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Bataille des Dunes - 14 juin 1658

Le contexte

En 1648, les traités de Westphalie mettent fin à la guerre de trente ans sans mettre un terme à la rivalité franco-espagnole, qui reste d’actualité. La situation en France se complique avec la fronde parlementaire suivie par la fronde des princes.
Le régiment d’Enguien-Cavalerie est passé du côté espagnol avec le Grand Condé ( Louis II de Bourbon-Condé) participe aux campagnes de l’armée de Condé.
L’année 1656 voit plusieurs bataille dans le Hainaut qui tournent à l’avantage de Condé.
Le 23 mars 1657, par le traité de Paris, l’Angleterre et la France s’allient contre l’Espagne. Les armées françaises repartent aussitôt à l’assaut des places du Nord avec des fortunes diverses.
Turenne se porte sur Dunkerque et après des détours,, commence un siège en règle le 25 mai 1658.
L’archiduc Juan José d’Autriche, soutenu par un corps de gardes suisses aux ordres de Condé, fait mouvement au secours de la place, arrivant en vue des positions françaises le 13 juin, fatigués, divisés, et sans leur artillerie et bagages.
Ayant reçu de bons renseignements, Turenne laisse quelques bataillons face à la ville et marche sur l’armée espagnole avec 15 000 hommes.

La bataille

Les deux armées alignent des effectifs, soit environ 14.000 hommes.

Turenne aligna 8.000 fantassins, 6.000 cavaliers et 10 canons.

Juan José n’aligna aucune pièce d’artillerie, seulement 6.000 fantassins et 8.000 cavaliers. Même si la cavalerie était à l’époque l’arme décisive, son avantage fut annulé par le terrain de Dunkerque car les dunes constituèrent des obstacles fatiguants pour les chevaux.

Le 14 juin 1658, Turenne prit position sur les plages de Dunkerque, à 5 kilomètres à l’est de la ville assiégée.

Jacques d’York et Condé intervinrent auprès de Juan José afin de réclamer une attaque immédiate mais l’Espagnol tergiversa. Lorsqu’il se décide enfin à mettre ses troupes en ordre de bataille, les Espagnols, méticuleux mais lents, agissent avec confusion.

Juan José place son armée entre la plage et le canal de Furnes à Bruges, plaçant toute son infanterie en avant. A la droite du dispositif espagnol, une haute dune fut garnie de quatre régiments d’infanterie d’élite. Sur la gauche du dispositif, on trouvait 2.000 fantassins anglais royalistes de Charles Stuart et, plus loin encore, des bataillons allemands et wallons . La cavalerie fut placée en arrière.
Condé reçut le commandement de la cavalerie du flanc gauche mais ce dernier dut se positionner sur un terrain tellement étroit, en bordure du canal, qu’il dut se former sur 6 rangs.

Turenne forma une première ligne de 11 escadrons de cavalerie et de 11 bataillons d’infanterie (dont 4 anglais), l’infanterie occupant le centre et la cavalerie les deux ailes. Une seconde ligne, quoique moins fournie, fut établie à l’identique. A sa droite, Turenne, disposa 5 canons afin de contrer les charges de la cavalerie ennemie. Les autres pièces furent placées sur l’aile gauche, en appui des Anglais.

Commandant incompétent, Juan José ne tint pas compte de la marée descendante qui, bientôt, ouvrit largement son flanc droit.
En positionnant ses meilleures troupes sur la dune située à sa droite, il ne tint pas davantage compte de la présence de trois frégates anglaises, détachées du siège de Dunkerque, qui ne manquèrent pas de prendre sous leurs feux l’ensemble du flanc droit espagnol.

Turenne déclencha l’attaque vers huit heures.
L’infanterie anglaise de Cromwell, dirigée par Morgan et Lockhart, attaqua la dune fortifiée. Beaucoup d’assaillants tombèrent sous le feu des mousquetaires espagnols mais les piquiers anglais poursuivirent leur progression. Les Espagnols de don Gaspar Boniface finirent par prendre la fuite.
Sentant poindre le désastre, le duc d’York chargea l’infanterie de Cromwell mais il fut contraint au repli.

Soutenu par le tir des frégates anglaises, Turenne engagea la cavalerie française de son flanc gauche le long de la plage laissée à découvert par la marée et prit les Espagnols de flanc.
Prise de panique, l’aile droite de Juan José craqua.

Au centre, l’infanterie française repoussa progressivement les contingents adverses également pris à partie par l’artillerie de Turenne.
Sur la gauche espagnole, Condé chargea trois fois, espérant éviter la déroute complète mais ses succès ne furent que provisoires et ses cavaliers furent finalement repoussés par les tirs français.

Sans illusion, Condé accepta la défaite, lui qui, avant même le déclenchement des affrontements, avait déclaré « Dans une demi-heure, vous allez nous voir perdre une bataille ».
Avec les restes de sa cavalerie, il couvrit la retraite espagnole vers l’Est.
Isolés, les 300 Anglais royalistes du Régiment de la Garde du Roi résistèrent seuls, ne finissant par se rendre qu’après avoir constaté que le reste de l’armée avait fui et sous la condition expresse de ne pas être livrés aux cromwelliens.
L’affrontement a lieu dans les dunes de Leffrinckoucke le 14 juin. Le centre et la droite de l’archiduc sont enfoncés en un clin d’œil par des régiments de piquiers anglais, mais la gauche avec Condé, d’abord ébranlée, reprend une brillante offensive.

Turenne doit concentrer sa cavalerie, et aidé par les navires anglais, repousse enfin les franco-espagnol.
Les Franco-Anglais ont perdu 500 hommes, par contre les Espagnols et le corps de Condé laissent sur le terrain plus de 6 000 hommes dont 3 000 à 4 000 prisonniers.
Le 23 juin, Dunkerque, espagnole le matin, française à midi, est finalement anglaise le soir, puisque Louis XIV la remet le jour même aux Anglais.

( Photo http://bataillescelebres.web44.net/, courtoisie)

Participation du régiment

Le comte de Coligny-Saligny, mestre de camp du régiment d’Enghien-Cavalerie, témoin au premier chef de cette bataille , à raconté dans ses mémoires cette bataille : ( NB : le texte a été « actualisé » pour une meilleure lisibilité)

Turenne nous donna la bataille , étant sorti toute la nuit de ses retranchements. L’aile droite des Espagnols plia la première, celle de M. le Prince [ Le Grand Condé] tint bon quelque temps, mais il fallut plier comme l’autre.
J’étais dans les dunes, avec mon seul escadron d’Enguien, ce qui ne me disait rien, ni à moi ni à eux. Je ne pouvais voir dans quel état était M. le Prince parce qu’il était dans un fond. J’y envoyais [ un cavalier?] et on me rapporta qu’il avait chargé les ennemis deux fois et qu’à la fin, les ennemis l’avait repoussé et mis en désordre.
Je fit marcher à droite mon escadron et le rejoignit. J’y arrivai de si bonne heure qu’arrêtant les ennemis sur cul, je donnai loisir à M. le Prince de changer de cheval, le sien étant blessé, et de se retirer : il me doit sa liberté.
Comme je vis qu’il n’y avait plus personne que moi en bataille, qu’avec tant d’ennemis sur les bras, j’avais reçu l’ordre de me retirer, je fit signe derrière moi à mes gens de se retirer, comme je voulais en faire de même, voulant faire tourner mon cheval, il donna de la croupe à terre, ayant la cuisse rompue.
Je demandai un autre cheval mais celui qui m’en amenait un a été tué d’un coup de mousquet, mon cheval pris et lui dépouillé, de sorte que dans mon embarras, les ennemis tombèrent sur moi.

Jean de Coligny-Saligny sera fait prisonnier et libéré ensuite dans le cadre d’un échange de prisonniers entre les Espagnols et les Français.

Un char AMX 30 B 2 du 3ème régiment de dragons a perpétué le souvenir de cette bataille en portant son nom.

Cliché extrait du fascicule des collections d'insignes - Editions Atlas DR